LEUR ECHEC
La Turquie, de l’avis général des Français et des Européens (un sondage européen a montré que plus de 55% y sont hostiles), ainsi que des spécialistes non-conformistes, n’a pas sa place dans l’UE.
Mais les dirigeants européens, sourds à la protestation des citoyens, y sont favorables et ont quand même engagé des négociations d’adhésion qui, plus elles avancent, moins elles rendent probables la non-adhésion (jamais un pays candidats avec qui les négociations d’adhésion ont été ouvertes, n’a été refusé au sein de l’UE).
Les dirigeants européens veulent en réalité imposer l’adhésion turque en la rendant inéluctable. Ils y sont encouragées par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, qui y sont les plus favorables : en effet, faire entrer la Turquie en Europe, c’est affaiblir sa cohésion et donc sa puissance, c’est aussi renforcer son alignement sur l’OTAN en rendant encore plus difficile toute velléité de mise sur pied d’une défense européenne autonome (ce qui a fait dire, par exemple, à Georges Bush le 10 juin 2008 en Slovénie : « les Etats-Unis sont absolument convaincus que la Turquie doit adhérer à l’UE » Reuters).
On a souvent entendu que de Gaulle, en 1963, se serait prononcé pour l’adhésion turque à l’Europe : il avait accepté la perspective d’un rapprochement avec la CEE (voire une adhésion), mais il s’agissait d’une construction européenne différente de celle d’aujourd’hui, laquelle est clairement supranationale. La Turquie se comporte mal vis-à-vis de l’UE : pas de reconnaissance de Chypre (grecque), défiance à l’égard des pays de l’UE, ou encore émission de pièces de monnaie de 1 lire turque du format, du poids et de l’apparence de la pièce de 2 € !
LEUR DOUBLE LANGAGE
Nicolas Sarkozy s’est toujours dit hostile, ainsi que François Bayrou d’ailleurs, à l’adhésion de la Turquie à l’UE.
« Je demande la suspension de TOUTES les négociations avec la Turquie pour une raison très simple : La Turquie n’applique pas le protocole d’Ankara, la Turquie n’accepte pas que des avions venant de Chypre se posent sur ses aéroports, ou que des bateaux venant de chypre rentrent dans ses ports, Chypre est un des 25 états de l’Union européenne. Comment peut on discuter de l’adhésion éventuelle d’un pays qui ne reconnaît pas l’Europe des 25 et qui décide unilatéralement que l’Europe ce n’est pas 25 pays mais 24. Ce n’est pas négociable et ce n’est pas acceptable » 29 novembre 2006, France 2, interview avec A. Chabot.
« Si la Turquie était européenne, ça se saurait » 18 décembre 2004, Le Figaro.
Pourtant le Sarkozy qui dit n’a rien à voir avec le Sarkozy qui fait :
26 juin 2007 : ouverture de trois nouveaux chapitres de négociation avec Ankara (pour ne pas gêner les négociations autour du « traité simplifié » d’une part, en veillant à n’ouvrir aucun chapitre équivalant à une adhésion de facto d’autre).
19 décembre 2008 : ouverture de deux chapitres supplémentaires (la libre circulation des capitaux et la société de l’information et les médias, soit dix chapitres sur 35 ouverts en tout depuis octobre 2005).
2007-2008 : Nicolas Sarkozy, contrairement à ses promesses présidentielles, négocie et impose par la voie parlementaire un traité soi-disant simplifié, signé à Lisbonne, qui reprend en réalité la quasi-totalité des dispositions de la Constitution européenne. Parmi les dispositions reprises :
-
celle qui élargit à tous les vents l’UE (pas de délimitation géographique de l’UE, pas de liste nominative des pays membres comme dans Nice, ce qui bloquait institutionnellement l’entrée de la Turquie),
-
celle qui introduit la double majorité démographique, ce qui rendrait encore plus catastrophique l’adhésion de la Turquie, pays alors le plus peuplé de l’UE (jusqu’à 100 millions d’habitants).
-
En février 2007 pour convaincre les eurodéputés britanniques hostiles au traité de Lisbonne, Angela Merkel (alors présidente de l’UE) a souligné combien le traité est indispensable à l’adhésion turque, laquelle est impossible institutionnellement avec le traité de Nice.
2007 : B. Kouchner, farouche partisan de l’adhésion turque, devient ministre des Affaires étrangères.
Juillet 2008 : la réforme institutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy supprime l’obligation référendaire pour toute nouvelle adhésion à l’UE, désormais transformée en possibilité laissée à l’appréciation des parlementaires.
CE QUE NOUS VOULONS
Il convient de marquer une fois pour toutes les limites de l’Europe afin de clarifier l’identité du continent. Qui ne sait définir les « autres » est par nature incapable de se définir soi-même. De ce point de vue, il paraît souhaitable de dire clairement que l’Europe n’est pas au Maghreb, au Proche-Orient, en Asie centrale ni dans les pays russes.
Ainsi clarifiée, l’Europe aura bien sûr tout loisir de passer des accords d’association mutuellement bénéfiques avec ses voisins. Sur cette question essentielle, notre pays ne peut rester plus longtemps dans l’ambiguïté : les autorités françaises ne pourront s’en tenir à l’accord implicite passé sur un coin de table au sommet d’Helsinki, confirmé discrètement à Copenhague puis lors des sommets suivants où ont été ouverts des chapitres entiers de négociation avec Ankara, sans avoir auparavant consulté les Français, qui attendent dans un premier temps un réel débat dans la classe politique.
A cet égard, il est nécessaire de rétablir le référendum obligatoire pour toute nouvelle adhésion à l’UE d’un pays candidat de plus de 10 millions d’habitants.
Il semble en outre urgent d’inscrire définitivement dans les traités une définition simple et claire de ce qu’est un Etat européen. Pour cela, les deux critères cumulatifs suivants pourraient être adoptés : est européen tout Etat qui a sa capitale en Europe et dont la majeure partie du territoire est situé sur le continent européen, au sens géographique du terme. Adopter cette définition permettrait de priver du statut d’Etat-membre des pays comme la Russie et la Turquie, qui n’ont pas vocation à le devenir, même s’il est naturellement souhaitable de développer les accords de partenariat et d’association conclus avec eux. Selon ces critères, l’Albanie, la Norvège, la Suisse, le Liechtenstein, les pays de l’ex-Yougoslavie, la Moldavie et peut-être l’Islande, pourraient être considérés comme les derniers candidats possibles à une adhésion à l’UE.